QUELQUES SECONDES OU L’ÉTERNITÉ

Mes mots sur le fil ma vie sur le rasoir Je cours direct vers le
fossé.

Il se sent basculer dans le vide, il a tout le temps de comprendre qu’il
va fracasser sa carcasse, la tête en premier. Il a quelques minutes
pour réfléchir à la signification du mot gratte ciel. Il a quelques
secondes pour revoir sa vie et pourtant cela dure, des années voire
des siècles tant son âme est vieille de souvenirs.
D’expériences bâclées, de violence incontrôlée, de chants à la veillée,
de sons de tambour, d’épreuves intolérables, de rencontres
magnifiques, de douleurs tenaces, de joie contenue, de couleurs
d’ocre, de turquoise, de frayeur d’orages blancs en terre rouge et, tout
à la fin, le murmure d’une berceuse Navajo. Il se sent colibri, il le vit
dans sa chair, il exulte.
La corde est tendue à l’extrême, il perd conscience.
Son employeur commente : laveur de carreaux à Manhattan c’est
risqué, tout comme escalader l’Everest, il suffit de bien s’encorder.
Bien lui en prit.

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